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Végétaux d'origine locale : vers une filière structurée

Production de Leucanthemum, silènes et sauges en Allemagne.PHOTO : RIEGER-HOFMANN GMBH

Indispensables sur certains chantiers, les végétaux d'origine locale restent difficiles à trouver pour les donneurs d'ordres. Plante & Cité mène, avec des partenaires, une démarche de valorisation de cette flore particulière, via deux marques collectives en cours d'élaboration...

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Pourquoi et comment utiliser des végétaux d'origine locale pour restaurer la biodiversité ? Tel était l'intitulé du colloque organisé à Nanterre en juin dernier par Plante & Cité, la Fédération des conservatoires botaniques nationaux (FCBN) et l'Afac agroforesterie (association des professionnels de l'arbre champêtre et des agroforesteries). Il s'agissait de présenter les premiers résultats de deux programmes de recherche - « Flore locale & messicoles » (Plante & Cité/FCBN) et « Arbres et arbustes locaux » (Afac) - sélectionnés en 2012 par le ministère de l'Écologie. Des programmes lancés lors d'un appel à projets faisant suite à l'élaboration de la stratégie nationale pour la biodiversité pour 2011-2020. Dans quel objectif ? Celui de travailler plus particulièrement sur le thème « Des signes de qualité nationaux pour la conservation et l'utilisation durable d'espèces végétales indigènes dans les filières locales ».

Utiliser des végétaux parfaitement adaptés

Dans le cadre des actions menées en faveur de la biodiversité, la restauration des milieux naturels dégradés par les activités humaines, mais aussi la création de réservoirs de biodiversité ou de continuités écologiques, le développement de milieux favorables aux auxiliaires et aux insectes pollinisateurs, etc., constituent des axes de travail prioritaires. Or, ils nécessitent d'utiliser des végétaux d'origine locale. Car pour reconstituer des écosystèmes pérennes et permettre la conservation de la diversité biologique, il est nécessaire d'utiliser des plantes parfaitement adaptées aux particularités du milieu dans lequel elles seront installées. En effet, des études ont montré que les végétaux d'origine locale sont mieux armés pour cela que les autres et que les mélanges constitués de plantes locales permettent le maintien d'une plus grande diversité sur le long terme grâce à la création de communautés végétales cohérentes. Au-delà de cet intérêt écologique, ces plantes présentent aussi un intérêt économique, car leurs capacités de reprise et d'adaptation sont meilleures, leur capital génétique diversifié leur permettant notamment de s'adapter aux aléas temporaires du climat.

La demande croissante en végétaux indigènes pour les aménagements et la restauration écologique, ainsi que pour le secteur de la cosmétique ou de la pharmacie, a créé un marché. Mais jusque-là, il s'avérait difficile pour l'acheteur d'obtenir une garantie sur l'origine des plantes ou des semences. Les végétaux « sauvages » proposés actuellement ont une origine non garantie, sauf pour les essences forestières, la flore sauvage rare ou menacée et les semences certifiées comme les graminées destinées aux gazons. Ce qui est affiché comme étant des plantes d'origine locale est bien souvent composé de cultivars horticoles d'espèces sauvages ou de plantes qui ont été produites bien loin du territoire national. En outre, l'approvisionnement de grandes quantités pour des aménagements portant sur des surfaces importantes reste problématique.

Les objectifs des programmes portés par Plante & Cité, la FCBN et l'Afac se déclinent en trois axes principaux :

- conserver les adaptations génétiques locales pour les végétaux qui sont utilisés en plantation, revégétalisation et restauration écologiques ;

- promouvoir l'utilisation de végétaux locaux dont l'origine est garantie ;

- accompagner le développement de démarches locales ou de thématiques dans ce domaine.

Garantir l'origine des végétaux

L'étude du contexte, des besoins (analysés par le biais d'une enquête auprès de 185 personnes, utilisateurs et producteurs) et des moyens à mettre en place pour développer une filière fiable sur le plan scientifique et technique, a conduit le comité de pilotage à proposer de créer deux marques collectives. Ce travail s'est appuyé largement sur les expériences déjà menées dans certaines régions (Pyrénées, Alpes, Poitou-Charentes, Champagne-Ardenne...) , pour mettre en place une production de plantes locales répondant à des besoins spécifiques. Ces marques constituent des signes de qualité et offrent une meilleure visibilité sur le marché, ainsi que la garantie d'une traçabilité de la récolte à la plantation. La première marque, Végétal local, concerne les plantes herbacées et ligneuses sauvages, et la seconde, Vraies messicoles, est réservée aux plantes compagnes des moissons et des cultures. Cette dernière a été initiée dans le but d'aider à la réintroduction de ces espèces désormais rarissimes dans les territoires agricoles et périurbains et qui pourtant jouent un rôle fondamental pour les pollinisateurs, les insectes auxiliaires et les oiseaux de plaine. Les marques sont définies par un règlement technique qui précise les principes de collecte des semences dans les milieux naturels, les règles pour la multiplication, les obligations en matière de traçabilité et de qualité, les engagements communs à tous les acteurs de la filière de production, de commercialisation et d'utilisation. Ces signes de qualité créés à l'échelon national pourront être utilisés par tout porteur de projet respectant le cadre fixé par le cahier des charges de la marque. Est concerné l'ensemble de la flore sauvage indigène du territoire national, y compris les territoires d'outre-mer. Onze régions d'origine ont été définies en France métropolitaine et pour la Corse au sein desquelles on trouve 27 unités naturelles, auxquelles s'ajoute une région par territoire (îles ou îlots) en outre-mer.

Construire une véritable filière

Le développement d'une filière « végétaux d'origine locale » implique la professionnalisation des acteurs autour de nouveaux métiers ou de nouvelles compétences au sein de métiers existants. Parmi les nouveaux métiers, celui de récolteur qui sélectionnera les sites de récolte et organisera les campagnes de prélèvement des végétaux. Il doit disposer de compétences en botanique, phytosociologie, connaissance des habitats, ainsi que juridiques et économiques. Le marchand grainier devra apprendre à répondre à des demandes variables en termes de volumes quantitatifs et assurer une traçabilité parfaite des semences. Pour le pépiniériste, s'il exerce déjà ce métier dans le secteur de la production horticole, il lui faudra revoir son schéma de pensée et accepter la diversité des plantes produites, une approche qui va à l'encontre des standards de production actuels qui favorisent la mise sur le marché de lots très homogènes. Une diversité qu'il faudra faire également accepter aux acheteurs, ce qui nécessitera de nombreuses actions de communication. Quant au planteur, il devra connaître les atouts et les particularités de ces végétaux, trouver les arguments pour pouvoir convaincre les acheteurs potentiels de les utiliser, respecter les habitats, anticiper les délais de production.

Des perspectives à court terme

Dès la fin de l'année 2014 et afin d'accueillir les premiers bénéficiaires, le comité de pilotage de la labellisation doit se constituer, comprenant des représentants de Plante & Cité, de la FCBN, de l'Afac, des ministères de l'Écologie et de l'Agriculture, ainsi que des producteurs, des utilisateurs, des prescripteurs, des scientifiques. En parallèle, il est prévu de créer un site internet et des outils de communication. En 2015, les premières journées techniques destinées à accompagner sur le plan technique et scientifique les filières locales devraient se mettre en place. Le tout avec la participation de plusieurs partenaires financiers : RTE (Réseau de transport de l'électricité) ; GRTgaz (gestionnaire des réseaux de gaz) ; TIGF (Transports et infrastructures Gaz France) ; UNPG (Union nationale des producteurs de granulats) ; et enfin Val'hor (les professionnels du végétal)...

Yaël Haddad

MessicolesCompagnes des moissons et des cultures, les plantes messicoles auront leur marque.

PHOTO : YAËL HADDAD

PépinièrePépinière d'arbres et d'arbustes d'origine locale mis en place pour la restauration des berges de la Loire.

PHOTO : SAUMUR AGGLO

GrainesTraitement de graines d'arbres à la pépinière d'État de Guémené-Penfao (44).

PHOTO : J-P HUVELIN

RécolteRécolte de Leucanthemum avec une moissonneuse-batteuse en Allemagne.

PHOTO : RIEGER-HOFMANN GMBH

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